PORTAIL BANTEAY SREI
CAMBODGE : LE TEMPLE DE BANTEAY SREI (« LA CITADELLE DES FEMMES ») (2E MOITIE DU XE SIECLE)
Contrairement à la plupart des grands sites d’Angkor, Banteay Srei n’est pas un temple royal. C’est le futur roi Jayavarman V (de 968 à 100) qui fit don de cette terre proche de la rivière de Siem Reap à son guru, Yajnavaraha, l’un des conseillers de son père, le roi Râjendravarman (de 944 à 968). Petit-fils du roi Harshavarman 1er, le conseiller Yajnavaraha, à la fois prêtre, médecin, astronome et musicien, lance avec son frère cadet la construction du temple, de culte Brahamnique (dédié au dieu Shiva), dont les divinités furent installées le 22 avril 967, juste avant la mort tragique du roi Râjendravarman. Autour du temple naquit le village d’Içvarapura (« la cité du seigneur », Shiva), à une vingtaine de kilomètres au nord de la future Angkor.
Banteay Srei est un temple plat d’une grande beauté et de petite taille, construit en latérite et en grès rose, l’un des joyaux de l’architecture khmère, bâti presque au pied du massif du Phnom Kulên. Le nom ancien du temple, qui est celui de son linga central (daté de 967), était Tribhuvana Maheçvara (« grand seigneur du triple monde »). Son nom moderne signifie la « Citadelle des Femmes », ou « Citadelle de la Beauté », en référence à la délicatesse de sa décoration ou à sa petite taille.
Redécouvert par les Français en 1914, Banteay Srei est le premier monument de la région d’Angkor à avoir été reconstruit suivant la technique de l’anastylose (utilisant des matériaux anciens trouvés sur le site avec des éléments modernes). Son nom reste attaché à l’affaire André Malraux : à 22 ans, le jeune Malraux, en partie ruiné par des placements boursiers, décide en 1923 de partir au Cambodge pour renflouer ses finances en pillant des pièces archéologiques de ce petit temple en ruines encore peu connu du grand public. Le 13 octobre 1923, il embarque à Marseille avec son épouse Clara et un ami d’enfance, Louis Chevasson, à bord du paquebot français « Angkor » (ex-« L’Atlantique »), qui assure la liaison entre la France et l’Indochine coloniale. Arrivé au Vietnam, ils quittent Saïgon pour rejoindre Phnom Penh et remonter en chaloupe le grand lac Tonle Sap, en direction de la région d’Angkor.
Malheureusement pour les aventuriers en herbe, le roi du Cambodge vient de décréter, en octobre 1923, la protection de tous les monuments du royaume et l’interdiction d’exporter des œuvres d’art hors du pays. Malraux tente tout de même sa chance, s’emparant de sept blocs de pierres sculptées provenant du temple dans une expédition rocambolesque. A leur retour à Phnom Penh à la veille de Noël 1923, ils seront arrêtés par la police et se verront privés de leur butin, assimilé à du pillage. De retour en France, Clara fera son possible pour permettre à son mari et à son ami de quitter l’Indochine le 1er novembre 1924, échappant de peu à la prison. Les bas-reliefs volés une fois récupérés par les autorités, la conservation d’Angkor, mise devant ses responsabilités suite à cette affaire, entreprend la restauration du petit temple en ruines, dégagé dès 1924, pour permettre sa reconstruction sous la direction du conservateur Henri Marchal, entre 1931 et 1936. La restauration fut remarquable, avec l’utilisation de l’anastylose, une technique adoptée par les archéologues néerlandais en Indonésie (Borobudur, Java).
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Visite du site (photos années 1990) :
Ouvert à l’Est, le temple est disposé en trois enceintes concentriques, légèrement décalées vers l’Ouest. Un seul gopura (porte d’accès) extérieur, Le gopura IV, spacieux, débouche sur une chaussée d’environ 67 mètres de long sur 3,20 mètres de large. Ce gopura était peut-être celui d’une 4e enceinte, aujourd’hui disparue. Il comporte sur chacune de ses deux faces un porche avec piliers de grès. La porte d’entrée extérieure est flanquée de colonnettes baguées à facettes. Le hall d’entrée, éclairé par quatre fenêtres à balustres, est en forme de croix. En franchissant le porche du gopura IV Est, côté Ouest, un vestibule-passage ouvre sur cette allée de 67 mètres de long, bordée de préaux. La chaussée est accompagnée sur les côtés par 32 bornes en grès, carrées, de près de 1,50 mètre de haut, se terminant en forme de mitre. L’allée permet d’accéder à la 3e enceinte extérieure et au sanctuaire principal du temple. Bâti en blocs de latérite, le mur de la 3e enceinte forme un grand quadrilatère de 95 mètres de large sur 110 mètres de long, d’une hauteur moyenne de 2,20 mètres, avec 2 gopura, un à l’Est et l’autre à l’Ouest. Avec le gopura Est de la 3e enceinte, commence le temple lui-même. Une fois franchi le gopura III (Est), dont les frontons sont éparpillés - le fronton face Est a été reconstitué au sol, tandis que le fronton Ouest est conservé au musée Guimet à Paris depuis 1936 (voir photos) -, se présente une allée pavée de latérite, de 28 mètres de long sur 2,20 mètres de large, avec de part et d’autre de la chaussée deux douves en forme de U, qui sont asséchées en dehors de la saison des pluies.
Au bout de cette allée, arrivée sur le gopura II Est de la 2e enceinte (extérieure), un quadrilatère de 38 mètres de large sur 42 mètres de long, formée d’un mur de latérite de près de 2,20 mètres de hauteur. Le gopura II avec ses frontons triangulaires superposés, plus petit que celui de la 3e enceinte, est construit en latérite, avec sur son côté Est deux fenêtres à balustres qui éclairent la salle centrale cruciforme. Sur le côté Est, la statue d’un petit lion assis monte la garde devant le porche. L’intérieur de la 2e enceinte forme une cour périphérique entourant le mur extérieur de la 1e enceinte, avec, presque accolé au mur intérieur de la 2e enceinte, un ensemble de six locaux construits en latérite.
La première enceinte de 23,50 mètres de long, carrée, est très dégradée. Construite en brique, on la franchit par deux portes situées à l’Est et à l’Ouest, qui débouchent sur une 2e cour intérieure, occupée par plusieurs bâtiments : les « bibliothèques », le sanctuaire central et les sanctuaires annexes. Les deux « bibliothèques », construites en latérite et en grès rose, sont identiques quant à leur forme, longues de 5,30 mètres et larges de 4 mètres. Elles se situent au Nord et au Sud du gopura Est de la 1e enceinte. Seule leur belle décoration historiée diffère d’un bâtiment à l’autre, notamment en ce qui concerne les frontons.
Au centre de l’enceinte intérieure, une terrasse porte les trois tours sanctuaires du temple, alignées du Nord au Sud, avec un mandapa uni au sanctuaire principal par un antarala. La plupart des statues encore présentes sur le site, dégradées régulièrement par les pilleurs, ne sont que des moulages. Les originales sont conservées au musée national de Phnom Penh. La présence de ces fantastiques gardes de pierre (comme ceux ressemblant au dieu singe Hanuman) accentue un peu plus le côté magique et mystérieux de ce lieu perdu dans la jungle cambodgienne. Bon voyage…